Boule de Soufre se trouvait dans une posture à moitié en position de chasse à moitié aplati sur le dessus de la pouponnière. S’ennuyant terriblement, il laissait délibérément pendre sa queue mordorée par la partie supérieure de l’entrée afin que la reine qui le surveille au quotidien puisse s’assurer de sa présence à moins de trois pas de rats.
Le fait qu’il se soit enfuit de la pouponnière quand le clan a été attaqué n’était pas passé du tout auprès de la reine brune qui était dorénavant encore plus sur son dos qu’avant si cela était possible. Le chaton avisa Etoile de Grenouille au loin. S’il y a encore quelques jours, il n’avait jamais prêté au nom des chats du clan appart ceux qui entouraient son quotidien, maintenant il les connaissait et surtout les reconnaissait tous, même s’il n’avait encore jamais parlé à certains.

La guerrière mince à l’allure déguigandée, très facile à discerner parmi tous les autres pelages à dominance crème, s’approchait de la pouponnière. Il s’aplati suffisamment pour qu’un morceau de mousse qui jonchait la pouponnière cache ses yeux. Une fois dissimulé, il se mit en position de traque et bondit sur l’épaule d’Etoile de la Grenouille comme il avait vu son oncle faire sur l’inconnue. Il la toucha de plein fouet et rebondit dedans, repartant aussi vite dans le sens inverse via voie aérienne. Elle sentait fort l’odeur de Nuage d’Abeille ! Sans se démonter il se précipita en travers de son chemin.

« Toi ! Qui va là, qui es tu ?! Qu’est ce qui me prouve que tu es bien Etoile de la Grenouille et pas un ennemi camouflé ?! Qu’as-tu fais de Nuage d’Abeilles ?!» Il tenta alors son plus redoutable rugissement.

"Ce petit ne sort pas de nulle-part Crapaud Beuglant ! Cœur de Lionne n'a pas pu faire une petit avec son propre frère et tu l'as déteste autant que moi !
- Tu as pensé à Cœur de Coyote ?"

Le regard que la cheffe donna à son frère était assassin, son cœur manqua un battement à cette hypothèse. Cœur de Coyote et Cœur de Lionne ? Impossible et même si c'était vrai, Étoile de la Grenouille ne voulait pas y croire. Il avait juré de la protéger au péril de sa vie, d'abord en tant que lieutenant puis après en tant que compagnon : c'était un félin de confiance et la meneuse l'aimait.

"Si ce n'est pas lui, qui ?
- Arrête de parler, cracha-t-elle furieusement à son frère."

Étoile de la Grenouille rentra dans son camp, donnant un coup de queue à son frère qui lui frappa d'une de ses pattes en guise de représailles. La siamoise adorait son frère, mais parfois, il se montrait plus idiot qu'un groupe d'apprenti. Ce dernier la suivait toujours et se mit à blablater de tout et de rien, mais Étoile de la Grenouille ne voulait pas l'écouter. Ça sert à quoi de parler pour sortir autant de bêtises ? D'un pas lourd, la meneuse avançait vers sa tanière sans faire attention à la petite boule de poils qui s'était cachée entre les broussailles de la pouponnière. Un léger poids vint la percuter sur l'épaule puis un chaton lui bloqua la voie.

" Toi ! Qui va là, qui es tu ?! Qu’est ce qui me prouve que tu es bien Etoile de la Grenouille et pas un ennemi camouflé ?! Qu’as-tu fais de Nuage d’Abeilles ?!"

Boule de Soufre, le chaton orphelin d'un père. Étoile de la Grenouille regarda le petit de ses yeux confus. Ne sachant pas vraiment quoi faire, sa tête se tourna naturellement vers son frangin qui leva les yeux au ciel avant de lui faire comprendre de jouer avec le plus jeune. Mais je suis cheffe.. Est-ce qu'Étoile Volatile jouait avec ses petits ? Ou Étoile du Corbeau avec ses neveux ? Devant sa réflexion, Crapaud Beuglant s'en alla, secouant une patte en l'air vaincu alors qu'il partait dans le sens inverse à elle. Lui il paie rien pour attendre. Alors elle comprit : la meneuse devait jouer comme elle ferait avec son frère.

"Je vois que j'ai affaire à un guerrier intelligent.. Ne t'en fais pas pour elle, elle va très bien, répondit-elle en insistant sur le très"

Alors, elle se tassa sur elle-même avant de pousser sur ses pattes arrières pour bondir derrière le chaton. La meneuse le poussa au sol en lui donnant un petit coup de patte sur son arrière train. Son coup de patte n'était pas fort, mais suffisant pour faire flancher le chaton.

"Je vois que j'ai affaire à un guerrier intelligent.. Ne t'en fais pas pour elle, elle va très bien" Le chaton redressa les oreilles en entendant le mot guerrier, gonflé de satisfaction, il eut du mal à intégrer le deuxième "compliment" tant il était fier du premier. Très bien? Alors, il n'y avait plus de sang partout? C'est pas grave de se faire mal? Car elle avait eut l'air d'avoir très mal.

Le petit regarda interloqué le saut de la meneuse avant de finir applati au sol. Il sauta à la verticale et réattaqua l'épaule direct, son saut lui fit atteindre le haut de l'omoplate, il s'y aggripa fort et pedala de ses pattes arrière pour se hisser sur le dos d'Etoile de la Grenouille. "Youhouu!" cria-t-il victorieusement. "Je suis un tigre! Sort du territoire du clan de la terre monstre de la nuit!" s'exclama-t-il.

"Youhouu! Je suis un tigre! Sors du territoire du Clan de la Terre monstre de la nuit!" 

Le petit venait de s'accrocher à son dos comme un vrai petit guerrier, faisant rire la meneuse. Avoir un chaton dans son clan était quelques choses de plutôt reposant, elle devait se l'avouer. De plus, ça lui faisait oublier le triste état de sa douce Nuage d'Abeilles. Que faire maintenant qu'il était sur son dos ? Le meneuse pensa à se coucher au sol, mais elle eut une meilleure idée.

"Oh, bien sûr, guerrier, bien sûr, dit-elle en faisant se secouant que très légèrement pour faire mine de vouloir se débarrasser de lui, mais tu es si bien accroché ! Je vais devoir partir avec toi"

Et sur ces mots elle commença à trottiner, murmurant un 'accroche-toi' au petit pour ne pas le faire tomber pendant sa chute avant d'accélérer un peu. La meneuse se dirigea vers l'entrée du camp, avant de s'arrêter, droite comme un piqué. Le chaton tomba et la siamoise l'accompagna dans sa chute pour ne pas qu'il se fasse mal*.

"Et bien ? Tes griffes ne fonctionnent pas, je pensais que tu étais un tigre ?"

Le petit rire de la meneuse surprit le chaton. Il n'avait jamais entendu personne rire comme ça. Il fallait avouer qu'il n'avait pas entendu beaucoup de monde rire. Pelage de Primevère était rigide, Maman ne riait pas et les autres eh bien, ils les avaient déjà vu rire mais sans les entendre vraiment. Son ventre se contracta comme s'il allait s'esclaffer lui aussi ou bien ronronner; il ne maîtrisait pas encore suffisement le processus pour savoir.
Mais rien ne vint. Ses pattes crèmes bougèrent d'elles même pour l'inciter à se coller sur le dos de la vétérante, son instinct lui ayant indiqué soit qu'il était touché soit que son appui commençait à se faire la malle. Il n'avait pas envie de sortir ses griffes trop fort car il avait vu ce que ça donnait et il ne voulait le faire que sur l'ennemi. Que sur cette féline couleur nuit. Il fut obligé de s'aggriper tout de même pour ne pas glisser sur le flan d'Etoile de la Grenouille, comme il pouvait dévaler sur la face latérale du toît enneigé de la pouponnière (quoi que ce fut une activité satisfaisante en soi.)

"mais tu es si bien accroché ! Je vais devoir partir avec toi" puis elle murmura quelque-chose qu'elle n'entendit pas, il se pencha sur son encolure pour en entendre les bribes. Soudain, elle bougea, se déplaça. Il sentit tous les muscles rouler sous la fourrure presque blanche, le poussant un peu de ses appui alors qu'ils activaient les longues pattes de la guerrière. Boule de Soufre, impressionné, voulait être aussi puissant qu'elle plus tard.

Lors de l'accélération, le chaton hurla un "WHIHIIIIIIIII" en s'agripant plus fort, le camp fila, très vite. Jamais il ne s'était déplacé à cette vitesse d'éclair de feu, quelle classe! Finalement, ils dépassèrent une zone qu'il n'avait jamais dépassé. Jamais. Ils s'approchaient de la sortie.
Le petit ne parvint pas à se retourner pour voit la pouponnière au loin. Mais une chaleur lui passa sur le dos, dans le corps, les pattes, le mot lui vint "libre". Finalement, ils débouchèrent sur un endroit qu'il n'avait jamais vu. Alors que la vétérante pilait, le petit fit un vol plané, amorti par la patte et la truffe de la meneuse. Arrivé au sol, il ronronnait si fort qu'on aurait pu l'entendre à plusieurs queues de renard.

"Et bien ? Tes griffes ne fonctionnent pas, je pensais que tu étais un tigre ?" Il rigola, d'habitude, il aurait été très énervé par la remise en cause de son ascendance tigre mais à cet instant, il n'était pas en colère du tout.
"Et toi tu es quoi? Un sanglier qui charge et qui pile?!" Il se frotta contre la patte de la meneuse en ronronnant et regardant ce qu'il y avait devant lui. Le petit se dressa sur ses pattes arrière,sa patte avant reposant sur l'épaule d'Etoile de la Grenouille.

"Tu vas me faire gagner à Trap Primevère!" Pelage de Primevère ne laissait jamais les petits s'éloigner trop loin de la pouponnière et surtout pas près de la sortie. Jamais aucun chaton sous sa garde, malgré les nombreuses tentatives n'avait pu aller aussi loin sans se faire rattraper par la reine. Alors, il fila aussi vite que ses petites pattes le lui permettaient vers la sortie.

"Et toi tu es quoi? Un sanglier qui charge et qui pile?!"

La réponse du chaton fit rire la meneuse, bonne répartie mon petit se dit-elle alors. Après s'être frotté affectueusement à ses pattes, le plus jeune se tenait debout, accoudé à son épaule à elle puis, il s'élança tout joyeux vers la sortie. Il courait et elle, elle trottinait à côté de lui. Pelage de Primevère n'allait pas disputer le petit s'il était avec elle, n'est-ce pas ? Elle savait ce qu'elle faisait de toute façon.

"Nous ferons un petit tour à l'extérieur, pas très longtemps cependant, je ne veux pas qu'on s'inquiète pour toi, dit-elle un peu plus sérieusement"

La meneuse regarda le chaton d'un air joyeux et à la fois attendrie : elle devait se l'avouer, elle aimait bien s'occuper des chatons. Étoile de la Grenouille aimait bien passer du temps avec Petit Bleuet, avec la portée de Pelage de Primevère et la façon qu'elle avait de s'occuper de Nuage d'Abeilles lui rappeler son lien avec sa propre mère. Serait-elle mère un jour ? Avec Cœur de Coyote peut-être -un sourire s'afficha sur son visage- ? Feraient-ils de bons parents ? La siamoise devança le plus petit pour venir se coucher à terre un peu plus loin, comme elle le ferait si elle chassait.

"Chuut"

Vite, elle devait penser à quelque chose pour amuser le petit. Comme si le Clan des Étoiles avait compris son problème, il se mit à neiger à gros flocon. S'assurant qu'aucun prédateur n'était dans les environs, la meneuse tourna sa tête vers le chaton, un lueur de défi dans les prunelles.

"Je suis sûre que je peux en attraper plus que toi"

Lancer de dés:

"Nous ferons un petit tour à l'extérieur, pas très longtemps cependant, je ne veux pas qu'on s'inquiète pour toi, dit-elle un peu plus sérieusement" Le petit fit de joyeux bonds sur place, n’aillant aucune idée de ce que représnetait un « pas très longtemps » ou un « qu’on s’inquiète pour toi », sa seule notion était les désagréablés remontrances de Pelage de Primevère. Et il préférait la tête d’Etoile  Grenouille qui s’inquiète pour lui que celle de la reine chocolat qui grogne.

Quand ils eurent traversé l’entrée du camp, la vie vint à la rencontre de Boule de Soufre. Des volutes rapides d’air lui glaçait la trufffe, lui apportant des parfums inconnus mais fantastiques, tous les mots qu’il avait entendu  dans la bouche des grands prenait du sens « froid vif », « saison des neiges », « musc », « rose des neiges »  Le chaton ne savait pas précisément à quoi cela correspondait mais le concept commençait à naître en lui. Il imaginait par exemple une très belle plante rose ou blanche, ou rouge qui vivrait dans la neige. Il leva la tête vers la meneuse, se demandant si elle aussi profitait de l’instant ou si elle connaissait trop cela. Le chaton la vit sourire, non, apparemment, nous n’étions jamais habitué à cela. Tant mieux. Il s’amusa à suivre les pas de la guerrière en mettant ses propres pattes dans les empreintes dont il remplissait à peine le tiers mais plus que le tiers avec les griffes sorties.

« Chuut
-OOOhh ! » s’exclama-t-il avant de se précipiter pour imiter la position de traque et de dissimulation secrète. Il la connaissait mais ne l’avait pratiqué qu’avait d’autres chatons. Comment est ce qu’on équilibrait l’avant et l’arrière pour être aussi bien positionné que la crème ? Il plaqua son ventre au sol ses pattes arrière dérapèrent puis glissèrent lentement dans l’humus givré et il finit à plat, le visage dans dans la neige, les pattes avant à hauteur des oreilles et les pattes arrière complètement tendues, coussinets face au ciel. Pas certain que c’était l’idée, mais en même temps, il était caché car il ne voyait plus rien, il se dit que l’objectif était atteint.
*chut,chut,chut* pensa-t-il pressé de chasser sa première proie. Quelque-chose lui effleura le dos, il sorti le visage de sol gelé, les oreilles en arrière et les yeux fendus. Puis on lui toucha la nuque, les oreilles, tout. Il leva la tête, la gueule entre-ouverte. Les plus beaux flocons qu’il n’avait jamais vus ! Jamais il n’avait pu sortir alors qu’il neigeait. Le chaton fut impressionné lorsque la puissante féline le regarda, une lueur vive dans les yeux.
"Je suis sûre que je peux en attraper plus que toi
-JAMAIS ! Tu vas voir ! » et il goba un flocon qui allait se poser sur sa tête « UN ! » il visa ensuite le plus gros, sauta pour l’attraper et cela fonctionna, il en attrapa sept encore.

Un instant, une grosse inquiétude le prit et il se retourna, ayant instinctivement détecté quelque-chose. NON ! Pas Pelage de Primevère !! Elle était debout, très en retrait juste à l’entrée du camp, on la voyait pas très bien. Mais elle ne lui ordonna pas de rentrer, elle ne dit rien du tout. Sa tête était bizarre : ses yeux verts étaient éclatants, on y voyait une prairie complète car ses pupilles étaient si étrécies qu’on les discernait à peine, elle avait une expression qu’il ne lui connaissait pas : Un sourire ? Oui, cela ne peut être que cela, tous les autres sourient comme cela. Alors, elle en est capable !
Après une seconde éternelle elle inclina la tête en fixant un point derrière lui, recula d’un pas avant de faire demi-tour. Merveilleux.

« HUIT ! » cria-t-il complètement galvanisé, il se jetta sur un énorme flocon dont la trajectoire se dirigeait mollement vers un point derrière lui.  Pour cela, le petit propulsa son corps en arrière qui se retrouva parallèle au sol et le ventre face au ciel, puis il vrilla à l’endroit avant de retomber sur ses pattes. Génial !! « NEUF QUI COMPTE DOUBLE » s’exclama t il en sautant sur le pelage presque blanc de la meneuse.

Voir ce petit chaton courir pour attraper un maximum de flocon rapportait une douce chaleur au cœur de la meneuse. Quelque chose, un sentiment, qui lui était encore inconnu jusqu'à aujourd'hui. Ce n'était pas la même chose que lorsqu'elle était avec Nuage d'Abeilles, c'était un sentiment qui lui donnait envie de s'allonger dans la pouponnière avec les reines, entourés de chatons collés à ses flancs, ses chatons. La meneuse pouffa, n'était-ce pas cocasse ? Elle avait rêvé toute sa vie de devenir meneuse, d'être au sommet avec les étoiles, et voilà qu'elle souhaitait tout plaquer pour revenir au milieu du commun des mortels? Ironique lorsqu'on savait que Cœur de Lionne, la mère de ce petit bout de chou, souhaitait accéder elle-même au pouvoir, négligeant par ailleurs son petit.

Le chaton tourna sa tête, fixant un point à l'entrée du camp : Pelage de Primevère. La reine l'observait, les pupilles fendues, un sourire sur le visage avant d'incliner la tête pour désigner un gros flocon derrière lui qu'il attrapa en déclarant qu'il comptait double. Étoile de la Grenouille afficha un sourire, les plus jeunes trouvaient toujours le moyen de faire des cascades rocambolesques avec leur petit corps.

"Neuf, c'est tout ? Allons petit tigre, tu peux faire mieux !"

La meneuse écrasa alors sa patte sur un flocon à côté du chaton, une lueur de défi pendant qu'elle regardait la réaction du petit mâle.

"C'est mon..., mh laisse-moi compter, elle fit semblant de compter sur ses pattes, oh j'ai même pas assez de doigts"

"Neuf, c'est tout ? Allons petit tigre, tu peux faire mieux !"
Le chaton ouvrit de grand yeux surpris en voyant la puissante patte de la meneuse écraser son flocon, sa cible. Il s’aplati au sol, secouant l’arrière train prêt à sauter sur les pattes de la guerrière, mais elle redressa sa patte pour compter ses coussinets. Les petites cordes qui avaient tendu tous ses muscles s’affaisèrent complètement lui faisant perdre l’équilibre et il se redressa maladroitement.

« et tes doigts de pattes arrières ? » souleva t til. Il sauta sur quelques flocons « 10, 11 » dit il en soulevant sa patte arrière au onzième. Il fit un nouveau saut et retomba sur le ventre. Il tendit alors ses pattes, les coussinets écartés. « J’ai perdu le compte ! » Il sortit ses griffes « un , deux , trois, cinq, six… non pas six. Ooooooh » râla-t-il, découragé.

Déconcentré, le petit matou redressa la tête et vit un oiseau noir planer mollement vers eux avant de se poser sur un tronc givré.
« une proie, à couvert ! » chuchota-t-il, le timbre vrillé par l’excitation. Il opta pour la cachette la plus proche et se dissimula … sous le ventre d’Etoile de Grenouille.
« Il est noir avec un gros bec jaune ? c’est quoi ? Est-ce qu’il peut nous entendre; il n’a pas d’oreilles ! »

Voyant le chaton qui comptait sur ses pattes arrières était la chose la plus drôle qui soit. Boule de Soufre perdait souvent le compte de ses "proies" ou alors il se trompait dans les chiffres, tout simplement. Est-ce que Cœur de Lionne lui avait appris à compter ? Non, bien sûr que non. Est-ce qu'elle savait seulement l'âge de son petit. Étoile de la Grenouille souffla du nez, légèrement en colère, mais pas contre le chaton. Si Pelage de Primevère n'était pas là, elle aurait prit elle-même le chaton sous son aile, comme elle l'avait fait avec Nuage d'Abeilles. Tu ne veux pas de ton chaton ? Bah moi oui. Incroyable qu'elle veuille devenir cheffe alors qu'elle prend même pas soin d'un petit chaton, celle-là. Le petit brisa ses pensées en venant se cacher sous son ventre, enlevant par ailleurs le début de colère qui était venu dans son esprit.

"Il est noir avec un gros bec jaune ? c’est quoi ? Est-ce qu’il peut nous entendre; il n’a pas d’oreilles !
- C'est un merle, mon grand, la meneuse murmura-t-elle en s'aplatissant un peu sur le sol, sans pour autant écraser le chaton sous elle. Il peut t'entendre, même sans oreille et certains oiseaux produisent des chants très beaux. Regarde, essaie de reproduire ce que je fais en étant un peu derrière moi."

La meneuse s'avança alors, la queue légèrement baissée et horizontale, mais qui ne trainait pas au sol. Ses grandes oreilles dressées vers l'avant faisaient attention à tous les sons autour d'elle. Légère, elle se déplaçait à pas feutrés puis, une fois suffisamment proche de se l'oiseau, Étoile de la Grenouille bondit pour venir plaquer l'oiseau au sol et le mordre à la nuque. Rapidement, la siamoise remercia ses ancêtres pour cette vie et poussa l'oiseau vers le côté pour que Boule de Soufre puisse lui sauter dessus à son tour.

"Vite, saute lui dessus, petit tigre, et mord le cou !"

L'oiseau était déjà mort lorsqu'elle l'avait mis sur le côté, mais elle espérait que le chaton ne se rendrait pas compte de la supercherie.

« C’est un merle mon grand. » répondit la meneuse. Le petit se coucha en voyant le ciel de fourrure sous lequel il s’était dissimulé commencer à descendre sur lui. Il se serait senti « normal », il se serait enfui, mais en fait, quelque-chose dans son corps lui faisait comme un poids très lourd qui pressait le sol. Le ciel de fourrure se posa tout doucement légèrement contre lui, presque blanc, molletonné et chaud, comme de la neige à l’envers. Le chaton se mit à ronronner comme un chemin de tonnerre. Il s’arrêta rapidement, sentant la tension dans la fine et puissante musculature de la guerrière se gonfler.

«  Il peut t'entendre, même sans oreille et certains oiseaux produisent des chants très beaux. » Est-ce qu’il y a d’autre choses qu’on puisse faire alors qu’on a pas ce qui nous permet de le faire ? Se demanda-t-il, l’image de sa mère lui venait en tête et lui tournait autour en pensées, mais il ne comprenait pas pourquoi.
Regarde, essaie de reproduire ce que je fais en étant un peu derrière moi." Alors que la guerrière commença à se déplacer, il la fixa attentivement, il fit un pas mais se sentit lourd par rapport à elle alors il se contenta de s’applatir au sol. D’un élan magistral, Etoile de Grenouille saisit le merle, les quatres membres de Boule de Soufre l’expulsèrent en trombes de son trou et lui fit avaler la distance entre eux deux à une vitesse folle.

"Vite, saute lui dessus, petit tigre, et mord le cou !"
Il se jetta sur l’aile de l’oiseau, la tira à lui de ses griffes et mordit le cou de toutes ses forces. Pour se donner plus de puissance, il secoua la tête en tout sens. Le sang frais afflua dans sa gueule, ce qui le surprit. Il préférait encore un peu le goût du lait mais au fur et à mesures que l’aspect bizzare du sang s’amenuisait, il s’aperçut que ça lui donnait faim. Il resta collé dessus, les oreilles en arrières, surveillant la réaction de la chasseresse.

Finalement il comprit qu’il pouvait le relâcher. Il avait tué sa première proie. La stupeur lui entre-ouvrit un temps la gueule, son pelage s’ébourriffa de fierté.  Le petit saisit très délicatement l’oiseaun en approchant doucement la tête et le prenant entre ses dents comme s’il voulait attraper la queue de Pelage de Primevère sans la réveiller puis le traîna exactement devant les pattes avant d’Etoile de la Grenouille. Son instinct ayant fini de lui dicter sa conduite, il relâcha l’oiseau et s’assit près de la meneuse, imitant sa position, le port droit, empli de satisfaction.
« je suis un chasseur ! » fit-il, ravi. « merci. »
Il se sentait un vrai chasseur avec elle et un vrai guerrier aussi. Et il n’avait pas peur avec elle alors qu’elle avait attrapé un oiseau presque aussi gros que lui d’un coup. Il se rapprocha un peu et frotta sa tête contre le flan crème d’Etoile de la Grenouille.
« Tu veux être ma Maman ? »

"Tu veux être ma Maman ?, demanda-t-il en passant sa tête sur son flanc"

Était-il possible qu'un cœur explose de joie ? Car Étoile de la Grenouille pensait que le sien allait exploser tant il lui faisait mal. Elle était souvent en colère, très en colère, donc les choses de ce genre lui donnaient encore plus de joie et elle ne put s'empêcher de se mettre à ronronner fortement - à défaut de ne pas sauter sur place -. La siamoise avait tendance à détester les autres et ironiquement, c'était lorsque ses mêmes autres l'aimaient qu'elle se sentaient heureuse. Elle se baissa et passa sa patte derrière le petit mâle pour l'approcher d'elle et  frotter sa tête contre la sienne affectueusement. La cheffe aurait voulu répondre "oui, évidemment", mais le pouvait-elle seulement ?

"Un tigre, le fils d'une grenouille ? Si tu le veux, pourquoi pas, ronronna-t-elle"

Étoile de la Grenouille regarda l'animal à ses pattes, traîné soigneusement par le petit chat. Elle n'était pas sa mère - enfin, si ce dernier l'appelait maman, elle ne dirait rien pour le corriger -, mais la fierté venait de remplir son cœur et elle ne put s'empêcher de sourire.

"C'était très bien, je vois déjà l'étoffe d'un vrai guerrier. Comment était-ce, mon grand ? Est-ce que tu as envie de manger ta proie ?"

Toujours baissée pour être à sa hauteur, la femelle le regardait tendrement, attendant la réponse du petit. Ses pensées se tournèrent alors vers Cœur de Lionne et ne put s'empêcher d'imaginer sa stupeur et sa colère lorsqu'elle apprendrait que son petit était sorti avec sa pire ennemie. La meneuse cacha sa peine, elle aimerait ce petit comme une mère si Cœur de Lionne ne le faisait pas car sans s'en rendre compte, cette dernière venait de lui faire le plus beau des cadeaux.