Une bataille sans merci, féroce, sanglante même !, venait de débuter entre la valeureuse meneuse Étoile de la Grenouille et cet autre vil chat dégoutant sous l'éclat argenté de la lune. Oser insulter la meneuse de la Terre, quelle audace ! Il fallait vraiment oser ! Les griffes tranchantes de la guerrière étaient retroussées dans ses fourreaux, elle se sentait miséricordieuse ce soir, tant mieux, pour ce félin qui était dos au sol, se débattant comme un diable avant de théâtralement se laisser tomber, vaincu. 

"Pfeu"

Étoile de la Grenouille s'éloigna, la queue haute, fière de son combat. Derrière elle, Crapaud Beuglant venait de s'ébrouer pour retirer la poussière de son pelage tout en marmonnant dans ses moustaches. Comment osait-il la traiter ainsi ? Elle n'était pas du tout intrusive dans la vie de Force d'Abeilles ! La siamoise voulait le meilleure pour sa petite protégée alors elle se devait de faire attention à elle, voilà.. Après tout, quel mal y avait-il à ce qu'elle la pousse dans les pattes de Pépin de Pomme, mh ? C'était un valeureux guerrier, et très gentil chat, parfait pour sa petite abeille. D'ailleurs leurs noms allaient très bien ensemble : Force d'Abeilles et Pépin de Pomme. 

"Les pommes viennent des arbres et les arbres sont forts et c'est ce qui compose une partie du nom d'Abeilles donc c'est un signe, avait rétorqué la meneuse Terrienne avant de se faire insulter par son frère"

Elle y arriverait de toute manière, à les rapprocher, car elle les trouvait beau ensemble.

..
..

Peut-être que Crapaud Beuglant avait raison ?

Et alors que le duo se rapprochait du camp, une effluve bien trop familière, bien trop écœurante arriva dans les narines de la meneuse qui sentait déjà son sang bouillonner. Son frère le remarqua très vite et s'en alla rejoindre les tanières pour réveiller les derniers endormis. C'était une bonne âme, ce Crapaud, d'éveiller ses camarades sous les chuchotements plutôt que sous un branle-bas de combat. Levant les yeux au ciel, la meneuse suivit la trace de l'intru, ce matou roux, ce Tocade, et fut de plus en plus qu'inquiète quand, au fur et à mesure qu'elle avançait, la piste la menait vers la pouponnière.

1, 2, 3, c'était le nombre de chaton qu'il n'y avait plus.
Petite Avalanche, Boule de Soufre, Petit Bleuet, très exactement.
Son neveu, son fils - qu'elle a piqué à Cœur de Lionne -, le petit protégé de SA petite protégée.

"Oh misère"

Son regard apeurée croisa celui de son frère et alors, le petit clown du clan prit soudainement conscience du problème. À cet instant, on ne rigolait plus.

"Que tous les chats en âge de chasser s'approchent du promontoire pour une assemblée de clan !, miaula-t-elle."

Son ventre se tordait dans tous les sens, comme des feux d'artifices incontrôlés. Ses pensées fusaient presque en dehors de sa caboche. Où étaient-ils ? Étaient-ils sains et saufs ? Allaient-ils les retrouver ? Oh toutes ses pensées de maman qui brisaient son cœur un peu plus.. Perchée sur le haut de son promontoire, Étoile de la Grenouille n'avait plus rien de la meneuse colérique.

"Tocade, accusa-t-elle, son odeur est partout dans la pouponnière ! Ce solitaire m'a pris mes petits et nous devons les retrouver au plus vite ! Avec Crapaud Beuglant, j'irais du côté de la ville.. Mh.., la parfaite occasion dans tout ce chaos. Force d'Abeilles et Pépin de Pomme, vous suivrez sa trace ! Quant à Plume de l'Ombre et Cœur de Coyote, j'ai besoin de guerriers forts pour surveiller le camp, restez ici et faites lui bouffer vos griffes à ce miséreux."

Et sur ces mots, la meneuse rejoignit son frangin en adressant un regard déterminé au duo Abeilles-Pomme... Avant de finalement se retourner pour aller chercher Plume de l'Ombre. Elle lui demanda dans son oreille de les suivre discrètement, qu'elle l'autorisait à attaquer le premier chat hostile sur leur chemin et... bizarrement, de faire attention à lui, puis elle s'en alla.

Cette nouvelle aube annonçait de nouvelles règles, de nouvelles résolutions. Si elle n'était pas allée vagabonder ailleurs, peut-être que les chatons seraient encore dans la pouponnière ? D'ailleurs, maintenant qu'elle y pense, elle a dit "ses" petits..