Quelle jolie clairière. Frénésie Carnassière faisait presque tâche au milieu de cette merveilleuse plaine remplie de fleurs colorées. Veuve Noire adorerait cet endroit et le gros mâle se jura de l'accompagner jusqu'ici, un jour ou l'autre. Pour l'instant cependant, il devait se concentrer sur sa mission. Se permettant une légère pause pour laper l'eau de la rivière avant de la traverser, Frénésie Carnassière se demanda comment agir cette fois-ci. Rentrer directement dans le camp de ce deuxième clan ? Pourquoi pas, mais il se devait d'être vigilant, et de ressortir de là en assez bon état pour rejoindre sa bien-aimée.

Le territoire qui s'étendait à perte de vue était bien différent du sien et de celui qu'il venait de visiter. Du sable, des roches, des falaises, la température était agréable et chaude, alors même qu'il faisait nuit. Étrangement, le mâle se sentait bien dans ce territoire sableux. Avançant de son éternel pas lourd, il avait l'impression d'être un tigre au milieu de la savane. Un tigre qui recherchait ses proies, un tigre assoiffé de sang, un tigre prêt à se battre, il était un vrai prédateur. Frénésie Carnassière poussa un grognement de fierté en regardant ses pattes musclées puis, pris d'une soudaine fougue puissante, le guerrier se mit à galoper à travers les plaines arides.

Après une course endiablée, Frénésie Carnassière s'arrêta enfin. En face de lui, de grandes parois rocheuses, sèches et d'une couleur flamboyante. Il inspira une grande dose d'air pour essayer de percevoir les effluves aux alentours, mais tout ce qui rentra dans son nez fut une bonne dose de sable. Le guerrier éternua, mais malgré tout, il perçut l'odeur âcre des félins des sables.

Puis des voix se firent entendre, de plus en plus fortes : un mâle et une femelle approchaient. Ses griffes déjà sorties, Frénésie Carnassière fixa l'antre au milieu des deux parois puis il les vit : le mâle était un jeune chat, sans doute un apprenti et l'autre.. Était-elle une guerrière ou une chatte domestique ? Elle était si grosse -grosse de graisse, pas de muscles- que le sombre guerrier se posait réellement la question. Cette dernière s'arrêta de parler, de bouger, peut-être même de respirer à la vue de Frénésie Carnassière qui était plus énorme que n'importe quel félin. 

Il était un prédateur. Et elle était sa proie.

Et comme un prédateur, il ne perdit pas une seule seconde avant de s'élancer comme un boulet de canon vers la petite grosse. Et comme elle était la proie, elle fit volte-face pour courir, pour fuir ce monstre. Il bouscula l'apprenti au passage et rattrapa sans aucun mal la guerrière qui peinait à courir tant ses pattes étaient petites. Frénésie Carnassière mordait le vent à côté de ses cuisses, pour l'encourager à courir plus vite et rapidement, la femelle la mena à son camp, hurlant à l'aide. Frénésie Carnassière en eut assez, décidant alors de plaquer avec force la guerrière sur le sol qui cria de plus belle. Le gros mâle sourit, affichant une rangée de dents pointues et mortelles, affichant ses deux belles canines qui faisaient tous son charme. Un seul faux mouvement de la part d'un des félins du clan et les grandes canines de Frénésie Carnassière rejoindraient la belle gorge de la grosse féline.

Les doux hurlements de ces félins étrangers résonnaient dans sa tête comme une berceuse qu'une mère chanterait à ses petits pour les calmer. Tout comme la guerrière entre ses pattes, leurs visages étaient crispés de terreur. Une voix perça les cris, autoritaire et forte : on lui donnait un ordre. Frénésie Carnassière tiqua, personne ne lui donnait d'ordre ! Sauf peut-être sa compagne, sa douce compagne. Ironiquement, l'énorme félin se pliait aux paroles de la plus petite comme un bébé devant sa mère. On l'avait souvent charrié sur sa façon de répondre aux ordres de sa femelle, riquiqui comme elle était. Des questions fusaient, mais Frénésie Carnassière n'avait aucunement l'envie d'y répondre. Le meneur du clan gronda alors quelques ordres à l'intention de ses camarades et le gros mâle put entendre le nom de celui-ci : le clan des Flammes. Veuve Noire visitait donc le clan de la Terre et le clan des Nuages.

Flamme, Pluie, Nuage et Terre, les quatre petits d'Étoile.
Frénésie Carnassière regarda la femelle entre ses pattes et, jugeant que peu de chose ne se passait pas, le guerrier lâcha un rire rauque du fond de sa gorge avant d'ouvrir sa gueule et de la diriger vers la gorge de la guerrière. Il pouvait entendre son cœur battre à la chamade. Parfait. Puis, ni une ni deux, le meneur noir et blanc se précipita vers lui pour l'écarter de la guerrière. Son sourire s'élargit, enfin. Les guerriers des Flammes lui tombèrent tous dessus et dans cette situation, la plupart des chats auraient voulu fuir, mais pas lui. Loin de là. Cela lui donnait une énergie nouvelle, une excitation et une adrénaline propre au combat qu'il aimait tant. Le meneur revint à la charge, roulant avec lui avant que le guerrier tout de noir lui décroche un coup de patte bien placé. Alors que Frénésie Carnassière se remettait en position de défense, il fut surpris de le voir détourner son attention pour parler à un apprenti.

Idiot.

Le gros guerrier poussa sur ses pattes arrières pour venir percuter avec force le meneur. Il espérait lui avoir couper le souffle. Regardant autour de lui, défiant du regard le reste du clan, Frénésie Carnassière se lécha les dents avant de reporter son attention sur le chef. Entre toi et moi, grand garçon.

Plus le meneur s'énervait, plus le guerrier était heureux. Quelle douce sensation de se savoir au bout milieu d'un combat ! Des griffes vinrent se loger dans son dos et dans ses flancs, faisant souffler de douleur le guerrier. Frénésie Carnassière devait se l'avouer, ce matou était lourd ! Rien n'était perdu pour autant, un guerrier sur son dos ? Et alors ? Le sombre mâle se laissa tomber sur le côté avant de rouler pour écraser l'autre sur son dos. Il se releva bien vite, la fureur se lisait dans ses yeux -bien qu'il s'amusait plus qu'il n'était en colère-, le guerrier leva une de ses grosses pattes en l'air, prêt à l'abattre sur la gorge du chat noir et blanc lorsqu'une ombre vint s'écraser sur son dos (1), à nouveau. Cet autre chat venait de bondir et de faire basculer tout son poids vers la droite de l'intrus, ce qui le fit flancher un instant. Se dégageant du meneur, Frénésie Carnassière donna un violent coup d'épaule dans l'air pour faire basculer le matou hors de lui. C'était la femelle qu'il avait plaquée en arrivant, elle était revenue malgré les ordres de son meneur ! L'autre guerrier afficha un grand sourire mesquin : elle avait du cran ! mais dans ses yeux il pouvait y voir la peur. À défaut d'écraser sa patte sur l'autre mâle, Frénésie Carnassière enfonça ses crocs dans la colonne vertébral de la femelle qui miaula vivement de douleur.

"Rejoins Accalmie Des Esprits et va former une patrouille avec d'autres membres du Clan, cinq ou six membres minimum, pour aller chercher Nuage de Faisan. Les autres et moi se chargeront de ce chat et des autres s'il-y en a.
- Par le clan des étoiles ! Tu vas bien ! Je ne sais pas si je reste ici ou si je viens avec vous ? Peut-être vaut-il mieux que je reste sur le terrain si il y a des blessés… Mais j’aurais besoin de quelqu’un."

Les mots fusaient dans tous les sens, Berce Joliette ne savait plus où donner de la tête. Étoile du Corbeau lui demandait de partir pour une patrouille, Cœur d'Opale s'inquiétait pour elle et lui demander s'il devait venir, mais.. mais la guerrière n'avait aucunement envie de quitter le camp ! Pourquoi Étoile du Corbeau ne voulait-il pas qu'elle reste avec lui ? Ses oreilles se couchèrent sur son crâne de tristesse, elle n'allait pas l'abandonner, la dernière fois qu'elle avait respecté ses ordres, il avait perdu une vie.

"Je.. je ne sais pas.. Je ne veux pas quitter le camp maintenant, pas maintenant. Toi.. tu ne devrais pas quitter le camp non plus.."

Le rôle de son ami était primordial et il se devait d'être là pour aider ses camarades. Étoile du Corbeau se battait avec rage contre l'autre matou, mais ce dernier était si grand, si lourd, si.. effrayant.. et il venait de plaquer le meneur au sol, levant sa grosse patte dans l'optique de l'écraser contre la gorge du chef de clan. Berce Joliette ne pouvait pas laisser ça arriver ! Étoile du Corbeau devait encore être fragile de sa dernière attaque contre le renard qui avait terrorisé les membre du clan des Flammes ! Ni une, ni deux, la belle guerrière se dépêcha pour rejoindre l'affrontement, elle bondit sur le dos de l'intrus pour le faire flancher sur la droite qui la dégageant d'un seul coup d'épaule. Quoi !? Berce Joliette avait mis tout son poids et ce félin n'avait pratiquement pas bougé ! Et voilà qu'il se mettait à sourire, elle voyait ses babines s'élargir alors qu'elle regarda par-dessus son épaule, plein de terreur dans les yeux. Une douleur vive lui arriva dans le dos, si forte qu'elle en lâcha un cri de douleur : l'intrus venait de lui mordre la colonne vertébral. La femelle se dégagea de son emprise, non sans difficulté. Berce Joliette adressa un rapide coup d'œil vers Étoile du Corbeau, maintenant que l'attention de l'ennemi était détourné, il devait en profiter.

Une douleur vive rejoignit une de ses pattes et le fit flancher vers l'arrière, bien vite, le meneur prit l'avantage à son tour et le plaqua sur le sol. Ce dernier se demanda si Nuage de Faisan allait bien, ce qu'il voulait et pourquoi il attaquait le clan. Une patte sur la gorge, Frénésie Carnassière ne put s'empêcher de rire en faisant ronronner ses cordes vocales. Ca devait chatouiller la patte du chef. Les yeux du gros guerrier perçurent une ombre à l'entrée du clan : Veuve Noire, il était temps d'y aller. Frénésie Carnassière frappa sur les pattes arrières du meneur pour le faire reculer un peu avant de se relever et de donner un coup d'épaule dans le poitrail de celui-ci. Le mâle noir tituba un instant de sa patte blessée, mais il ne montra pas une once de faiblesse devant les autres membres du clan. Frénésie Carnassière leva sa grosse patte, et cette fois-ci il ne le manquerait pas, pour venir l'écraser avec force sur la joue du meneur (1).

"Nous devons y aller, mais lorsque le jour viendra, nous serons à effectif égal et ton clan n'aura plus l'avantage, Étoile du Corbeau, il chuchota le nom du mâle en passant à côté de lui rapidement"

Frénésie Carnassière se dépêcha de rejoindre l'entrée du camp, essayant de ne pas s'appuyer sur sa patte blessée. Oh qu'il avait hâte de rejoindre sa compagne.