Coeur de Lionne sortie de la tanière des guerriers d’un pas lent et méprisant, sa tête haute et sa posture droite transcrivait un air hautain. Ajouté à cela un regard qu’elle gardait mauvais avec des paupières à semi-plissées qui couvraient la moitié de ses iris colorées. Sa queue crème volumineuse et bien entretenue flottait presque derrière elle, veillant à effleurer l’air au dessus du sol mousseux sans jamais le toucher véritablement. Elle ne laisserait pas des efforts considérables de toilettage partir en fumée en laissant traîner sa queue dans l’herbe du Camp. Esprit sain dans un corps sain, lui avait répété sa mentor pendant des lunes qui lui paraissaient désormais lointaines. La charte pourrait rire aux éclats en repensant à son dicton. Son corps était sain et délicat, serte, mais Coeur de Lionne était très loin d’être une sainte dans son comportement et ses réflexions. La féline avait toujours su que sa mentor n’était bonne à rien, pas étonnant que sa phrase dégoulinait de mensonges.
La charte entreprit de se diriger vers le tas de gibier pour prendre une proie et avec un peu de chance s’écarter des autres guerriers Terriens pour être tranquille. Cependant à mi-chemin de sa destination, la femelle fut interloquée par son frère. Le petit mâle costaud sortie une salutation qui dégoulinait piteusement d’un ton mielleux, la guerrière manqua de vomir de dégoût :

- Bonjour jolie fleur.

Elle le détailla de ses prunelles vertes claires, les coins de sa bouche tournant vers le sol tandis qu’un de ses sourcils se arqua doucement. Ses orbes glissèrent de haut en bas du félin en face, le dévisagea de manière flagrante et très peu respectueuse, surtout lorsque celui-ci commença à rire. C’était un rire strident, dégoûtant aux oreilles délicates de la femelle, semblable à un gloussement de porc entrains d’agoniser. Ce son semblait aller et venir dans son corps et se fracasser contre les parois de son crâne avec violence, une migraine commençait à faire son nid.
Elle plonge alors son regard dans le sien et lui dit d’un timbre de voix léger, presque sympathique :

- Plume de l’Ombre, je vais te faire avaler des roses épineuses par les narines et tu vas comprendre la définition de la douleur si tu me ressors une telle absurdité.

Elle n’attendait pas de réponse de la part de son frère cadet, le contournant d’un jeu de ses pattes agiles alors que sa queue vint frapper l’air proche du visage du chat. Après quelques pas rapides et gracieux, la chatte arriva au niveau du tas de proies et courba son dos pour prendre entre ses babines un petit rongeur. Son butin en sa possession, elle s’écarta des autres félins du Clan de la Terre, se dirigeant vers un en coin du Camp où le soleil traversait la combe par un large trou dans les rochers. Finalement elle s’assit sur le sol verdoyant, ramenant sa queue soigneuse vers son corps pour la faire chevaucher ses petites pattes beiges, les cachant du monde extérieur. La chatte entreprit alors de manger sa souris en laissant les rayons doux du soleil caresser son pelage.

Coeur de Lionne ne masqua pas son exaspération lorsqu’elle compris que son petit frère la suivait à la trace. Il lui sortie une phrase dont elle se fichait fortement, mais qu’elle prit le temps d’écouter, ses oreilles hautes sur son crâne en signe d’attention. Elle avait bien entendu prévue que son cadet serait une tête de mule et tenterait de rivaliser avec elle en terme d’intelligence. Et bien évidement, il ne lui arrivait même pas à la cheville. Elle entreprit de dire d’une voix qui dégoulinait d’une fausse sincérité, crachant presque ses paroles à la figure de Plume de l'Ombre;

- Je suis sincèrement désolé que mon pléonasme t’écorche les oreilles, mais c'était afin d'expliciter mes mots pour que ta petite cervelle assimile correctement. De plus, je trouvais que cette figure de style te correspondait bien : un ajout grammatical inutile dans le texte de ma vie. Maintenant si tu pouvais t’effacer de mon champs de vision, ça éviterait l’apparition de plus erreurs dans mon existence.

Elle ne se laissa pas démordre et prit une première bouchée de son gibier en veillant à apprécier son repas, satisfaite de ses paroles précédantes. Elle passa ensuite un coup de langue rosée sur ses babines crèmes afin d’éradiquer toutes tâches de sang qui avaient pu se former. Pendant ce temps, son cadet vola sous son museau un morceau énorme de sa proie, manquant de la finir directement. Elle le regarda mastiquer la bête la bouche ouverte, son pelage beige s’hérissant doucement dans un mélange de dégoût et de colère.
La femelle beige le regarda avec dédains pendant une fraction de seconde, un de ses sourcils se arquant doucement sur son visage. Sa queue volumineuse passa de sa droite à sa gauche, se soulevant délicatement afin de ne pas raquer le sol mousseux du Camp. Elle prit ainsi la même position en miroir, continuant de regarder son petit frère avec des paupières mi-closes. Ses orbes brillaient d’un énervement aigu et d’une exaspération brûlante, cependant elle ne prit pas la peine de répondre à sa deuxième prise de parole :

- Tu n'as pas faim ? Il en reste encore. Je suis un si merveilleux petit frère, je te fais même faire un régime pour que tu respectes encore ta ligne.

La guerrière de la Terre se leva donc, appuyant sur ses petites pattes beiges claires tout en déniant son gibier comme si il possédait désormais la galle. Elle l’enjamba d’un mouvement fluide et gracieuse, s’éloignant de son frère sans demander son reste, ayant à peine toucher sa nourriture. La féline traversa le Camp en trottinant délicatement pour s’arrêter devant la tanière des guerriers, sa queue tressaillant à son bout. Elle continua donc son avancé, pénétrant dans l’endroit délimité par de large pierre tout aussi mousseuses que le sol, et entreprit de s’allonger à son endroit habituelle.

Coeur de Lionne écouta son frère parler de son poids avec très peu de délicatesse, manquant de lui feuler à la gueule lorsqu'il lui toucha le flanc. Elle savait qu'il faisait tout ça seulement pour l'énerver, et ça marchait terriblement bien. La chatte beige devait repousser au fond de son être l'envie d'étrangler son frère de ses propres pattes. Cependant elle se retint, non sans pas laisser une grimace d'énervement venir étirer des traits indélicats de son visage. Elle lui lança un nouveau regard de dégoût, ses sourcils froncés formaient un pli à la naissance de son museau alors que les coins de sa bouche se tournaient vers le sol.
Finalement la féline prit une grande inspiration par ses narines, avant d'expirer par sa bouche entre-ouverte dans une tentative piteuse de calmer ses nerfs. Ses paupières désormais closes, elle prit une seconde respiration similaire avant de reposer ses prunelles sur son frère cadet. Cœur de Lionne fit alors d'une voix exaspérée dans laquelle on pouvait repérer une teinte d'agacement :

- Plume de l'Ombre, au lieu d'être un poids mort comme à ton habitude, dit moi plutôt pourquoi tu me suis ?

Sous ses propres paroles, la femelle beige se redressa pour prendre une position assise, se mettant face à son petit frère. Droite, son poitrail bombé pour lui procurer une pose féminine mais forte, elle continua de le dévisager intensément.

- Je ne suis pas un poids mort allons... Il est bien évident qu'il faut... Renforcer nos liens familiaux. Tu dis toujours qu'il faut travailler comme une équipe, je ne fais que ma par autant minime soit-elle, je me dois de vous faire maigrir... Toi et Ombre du Démon.

La femelle beige fit rouler ses yeux en signe d’exaspération, avant de reposer ses prunelles sur son frère benjamin. Elle l’observa silencieusement alors qu’il s’assit un peu trop proche à son goût. C’est lorsqu’il lui fit son sourire familier qu’elle lui tira la langue en feulant légèrement. Cette journée risquait d’être terriblement longue..
Après un petit soupir qu’elle émit assez fort pour que Plume de l’Ombre l’entende, elle lustra d’un unique coup de langue son poitrail, remettant en ordre ses poils ébouriffés délicatement. Finalement, elle se redressa en appuyant sur ses pattes, lançant un regard du coin de l’œil à son petit frère.

- Renfonçons donc nos liens familiaux et allons à la chasse. Après tout qui sait, avec un peu de chance tu te feras attaquer par un renard en chemin.  

La guerrière de la Terre adressa un léger sourire au matou, lui faisant comprendre qu’elle lui souhaitait tout son malheur pour l’avoir dérangé aussi longtemps aujourd’hui. Elle entreprit donc rapidement de rejoindre l’entrée du Camp, trottinant à vive allure pour échapper le plus vite possible à son idiot de frère. Ce chat était vraiment une plaie, heureusement que son autre frère était moins stupide, dommage que ça ne soit pas Ombre du Démon qui chasse avec elle, se dit la femelle. Mais bon, après tout un peu d’exercice physique et mental ne lui ferait pas de mal. Et rester avec son frère le long d’une chasse allait être un réel exercice mental, ça c’est certain.
Arrivée à l'entrée du Camp, la chatte se stoppa pour réfléchir à un endroit stratégique de chasse. La Vallée de Boue était hors de question, son pelage était trop précieux pour ce genre de lieu même si les proies y étaient plus facile à attraper. Elle sourie tout de même à l'idée de pousser son frère dans une marrée de boue visqueuse, mais chassa l'option vivement. Laissant son sourire faner sur ses babines, elle décida rapidement que le Bois de Jade serait l'endroit adéquate pour une chasse simple et efficace, de plus le lieu pouvait présenter des renards, une bonne chose n'est-ce pas ?